Simone Weil, philosophe.
Portée par une compassion peu commune pour les malheureux, Simone Weil, après de brillantes études de philosophie, se tourne vers l’engagement politique d’extrême-gauche. Ainsi, elle suspend sa carrière d’enseignante, pour travailler volontairement comme ouvrière à la chaîne, afin de connaître la condition des plus humbles. Plusieurs expériences d’ordre mystique l’amèneront à se tourner vers le christianisme, en un parcours spirituel remarquable dans lequel le souci de l’autre est toujours au premier plan.
L’attention
« L’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité. Il est donné à très peu d’esprit de découvrir que les choses et les êtres existent. Depuis mon enfance, je ne désire pas autre chose que d’en avoir reçu, avant de mourir, la révélation complète. Cette révélation est en somme le sujet de l’histoire du Graal. Seul un être prédestiné à la capacité de demander à un autre : « quel est donc ton tourment ? ». Et il ne l’a pas en entrant dans la vie. Il lui faut passer par des années de nuits obscures où il erre dans le malheur, loin de tout ce qu’il aime, et avec le sentiment d’être maudit. Mais au bout de tout cela, il reçoit la capacité de poser une telle question. Et du même coup, la pierre de vie est à lui, et il guérit la souffrance d’autrui.
Là est à mes yeux, le seul fondement légitime de n’importe quelle morale. Les mauvaises actions sont celles qui voilent la réalité des choses et des êtres, ou celles qu’il serait tout à fait impossible de faire si on savait vraiment que les choses et les êtres existent. Réciproquement, la reconnaissance complète que les choses et les êtres sont réelles, implique la perfection. Mais même à une grande distance de la perfection, on peut, si on est orienté vers elle, avoir un pressentiment de cette connaissance. Et cela est extrêmement rare. Il n’y a pas d’autre grandeur authentique. »